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Les Eléphants

Les Eléphants

Il existerait dans le Coran des élaborations très semblables aux élaborations midrashiques. Un exemple de ce type en serait la sourate 105, celle de l’Eléphant (Al-Fil). Nous en reproduisons ici plusieurs traductions afin de souligner la difficulté du texte.

1. ‘Alam tara kayfa fa’ala rabbuka bi-asHabi al-fili
2. ‘Alam yaj’al kaydahum fi tadlilin
3. Wa’arsala ‘alayhim tayran ababila
4. Tarmeehim bi-Hijaratin min sijjilin
5. Faja’alahum ka’asfin ma’kulin

Traductions:

1. N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’Eléphant.
2. N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine?
3. et envoyé sur eux des oiseaux par volées
4. qui leur lançaient des pierres d’argile?
5. Et Il les a rendus semblables à une paille mâchée.

variante

2: N’a-t-il pas fait de leur fourberie un fourvoiement
3. Il a envoyé contre eux les oiseaux Abâbîls
4. leur jeter des pierres empreintes,
5. qui les a mis en fauches fanées.

variante

2: N’a-t-il pas jeté dans le désarroi leurs machinations ?
3. N’a-t-il pas envoyé contre eux les oiseaux ababil ?
4. Et lancé sur leurs têtes des pierres portant des marques faites au ciel ?
5. Il les a foulés comme le grain broyé par les bestiaux.

On voit tout de suite les problèmes de langue et de traduction que pose notre texte. ababila est traduit tantôt par “volées”, tantôt par “empreintes” et, parfois, le traducteur renonce à traduire et laisse ababil. Comment analyser ce texte ?

L’Eléphant est ici une bête monstrueuse. Dans l’eschatologie, juive et plus tard musulmane, la bête monstrueuse représente en général l’oppression des Empires. L’Empire, de son coté, y est volontiers représenté comme ourdissant un complot contre Dieu et son peuple. Et Dieu intervient en déjouant les complots des Empires par des miracles.
Notre sourate condenserait ici quatre figures de l’oppression et de la révolte contre Dieu : la tour de Babel; l’arrogance de Nabuchodonosor, le Babylonien; l‘oppression de l’empire grec du temps des Maccabées; et celle “actuelle” des Byzantins qui sont les héritiers des Romains (les Rum).
La sourate 105 serait une reprise du symbole de l’éléphant tel qu’on le trouve dans le Livre des Maccabées. Dans ce dernier texte, qui nous est parvenu en grec, l’éléphant est d’ailleurs souvent nommé simplement la Bête (thérios) et non elephantes. En hébreu, le mot éléphant (fil) évoque phonétiquement un prodige (fele, niflaot) et aussi une chute (nfl), or c’est par des prodiges que Dieu va permettre aux Juifs de vaincre les éléphants des armées grecques. Les Empires tomberont, et notamment Babel (nafela babel) d’où sans doute la référence coranique à babel. Babel est en effet un complot contre dieu, que ce dernier déjoua en confondant les langues. La Tour de Babel est naturellement associée aux pierres (celles nécessaires à son édification). Notre sourate fait état d’une inversion: les outils de la révolte et du complot (les pierres qui visaient à atteindre le ciel) se retournent contre les révoltés et, du ciel, leur retombent dessus.
On a donc affaire ici à un exemple typique de condensation midrashique.

En Josué 10, 11 on a déjà un épisode où les ennemis de Dieu reçoivent des pierres du haut du ciel.

Or, tandis qu’ils fuyaient devant Israël à la descente de Bet-Horôn, Yahvé lança du ciel sur eux d’énormes grêlons...

C’est la commune présence de Bet-Horôn qui relie ce passage au livre des Hasmonéens:

Ils les poursuivirent à la descente de Bet-Horôn jusqu’à la plaine. 800 hommes environ succombèrent et le reste s’enfuit au pays des Philistins. (1M 3,24).

On aurait ici un Midrash relatif à une victoire miraculeuse contre des envahisseurs qui occupent la Palestine.
L’analyse midrashique peut, semble-t-il, rendre compte ici de la présence de chaque détail du texte (l’argile, les pierres, les éléphants) sans nul besoin de références extérieures. Ne disposant plus de cette analyse, la Tradition musulmane a dû exhiber un épisode miraculeux qui justifie après-coup ce passage coranique : Une expédition, conduite par un négus éthiopien, vice-roi du Yémen, contre le Hidjaz aurait eu lieu en 570/571. Les assaillants, nantis d’éléphants, risquaient de détruire la Qa’aba, mais une armée d’oiseaux lâcha sur eux une pluie de pierres qui les écrasa. Le sanctuaire fut sauvé et l’année fut baptisée l’année de l’Éléphant.
Curieusement, dans l’eschatologie islamique, un des signes de la fin des temps sera précisément la prise de la Qa’aba par les Abyssins.

Le mode de production de ce passage peut être ainsi reconstitué: Le moment où il est produit est le suivant: Profitant d’une période de faiblesse des Byzantins, affaiblis à la fois par les offensives des Perses Sassanides et celles des Barbares, les tribus arabes judaïsées parviennent à libérer la Judée, ce qui constitue un événement d’une immense portée eschatologique, propre à déclencher l’attente de la fin des temps et de la venue d’un messie (selon certains) ou de son retour (selon d’autres). Le Coran va donc se référer implicitement au livre des Maccabées, car ce livre traitait déjà d’une victoire inespérée dans la lutte pour libérer la Judée de l’oppression des Grecs. Certes, les Empires sont terrifiants, comme le sont leurs éléphants, mais dans le cas des Macchabées, Dieu fit triompher ses fidèles. D’ailleurs, les Empires ne sont que les agents des décisions divines. Si Antiochus Epiphane peut entrer dans le Temple et s’empare du mobilier, tout comme l’avait fait Nabuchodonosor, le babylonien, c’est que Dieu en a fait son instrument pour punir son peuple.

• Le Livre des Maccabées.

Si le livre des Maccabées, qui traite pourtant d’une époque ancienne, prend soudainement autant d’importance au VIe siècle, c’est aussi pour une autre raison. C’est qu’Antiochus Epiphane n’est pas un simple roi païen, c’est un agent de l’eschatologie. Il introduit en effet un élément essentiel du champ eschatologique qui est le comble et l’indistinction. Or l’indistinction est une catégorie hautement porteuse de l’énergie eschatologique. Epiphane entreprend en effet l’unification de l’Empire, ce qui signifie proprement la fin de l’identité juive. Epiphane ressortit donc à la catégorie du comble qui doit en principe provoquer l’inversion eschatologique.

Le roi Antiochus écrivit à tout son royaume que tous devaient former un seul peuple, et que chacun devait abandonner ses usages (1M 1, 41-42).

Epiphane va provoquer la révolte des Maccabées qui deviendra le modèle de la guerre sainte. C’est pourquoi, même si le nom des Maccabées n’est pas présent dans le Coran, l’inspiration de ce livre y est bien présente. Ce n’est d’ailleurs pas le seul lien entre ce Livre et le Coran: voyez par exemple l’importance de la mort pour Dieu dans les deux textes ou encore l’importance de l’ingestion du porc, comme signifiant le comble de l’impureté. Autre point commun: L’Islam entend réaliser le programme des Maccabées: vaincre les Grecs-Byzantins, purifier le Sanctuaire et créer un état théocratique. La Qa’aba a sans doute pour origine le cube parfait dont parle Ezéchiel. Qa’aba signifierait tout simplement Cube. L’Islam a non seulement délivré le Sanctuaire de Jérusalem, mais il a construit le Temple eschatologique décrit par Ezéchiel.
Dès la fin du IIe siècle, les chrétiens donnaient déjà le nom de Maccabées à tous ceux qui comme eux, luttaient ou souffraient pour leur foi et leur nation opprimée. Parmi eux, les sept frères anonymes dont le second livre des Maccabées rapporte le martyre, héritèrent tout particulièrement du titre glorieux, qui revient pourtant par excellence à la famille héroïque de Mattathias, devenue la «famille des Maccabées». Or cette histoire passée dans le christianisme se retrouve dans le Coran.

• Babel et Sodome.

Le chapitre 50 de Jérémie comporte une prophétie contre Babel dans laquelle il est question de retourner contre Babel ce qu’elle fit aux autres.

Faites-lui ce qu’elle a fait! (Jr 50, 15)

Curieusement, Babel est traitée comme de la paille ou de l’herbe fauchée.

Venez-y de partout, ouvrez ses greniers, entassez-la comme gerbes, exterminez-la, que rien n’en reste! (Jr 50,26)

Payez-la selon ses œuvres (shalmu la ke-pe’ala) tout ce qu’elle a fait, faites-le lui (Jr 50,29).

On retrouve dans notre Sourate le même verbe: p’l (fa’ala rabbuka) qui consonne avec fil, l’éléphant. Ainsi qu’une référence à la paille. La suite de ce passage de Jérémie établit un lien entre le sort de Babel et celui de Sodome :

Comme lorsque Dieu renversa Sodome, Gomorrhe (Jr 50, 40)

Or, en dehors de la sourate de l’Elephant, les pierres d’argile ne se retrouvent que deux fois dans le Coran et toujours en rapport avec Sodome. Dans les sourates 11,82 et 15, 74 ces pierres d’argile sont déversées sur Sodome. Nous sommes bien dans le cadre mental de l’inversion eschatologique. Sodome n’apparaît pas directement dans le Coran, mais son double inversé Thamud apparaît 26 fois. Yebamot 17a prenait déjà cette notion d’inversion à la lettre puisque Sodome s’y transformait en Samud.
Il existe aussi un autre lieu dans lequel l’idée de pierre se trouve conjointe à celle de l’argile c’est la vision de Daniel. Dans l’araméen du livre de Daniel, cet argile est Hasfa.

Alors se brisèrent, tout à la fois, fer et argile (Hasfa), bronze, argent et or, devenus semblables à la bale sur l’aire en été; le vent les emporta sans laisser de traces. Et la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne qui remplit toute la terre (Dn 2, 35)

Il se trouve que ce terme de Hafsa est proche du terme asfin qui se trouve dans le dernier verset de la sourate de l’Eléphant : asfin makulin.
Tous ces indices semblent confirmer l’idée qu’il existe dans le Coran des élaborations proches des élaborations qu’on trouve dans le midrash juif ou chrétien.

 

• Le Prophète annoncé.

L’historien Ibn Khaldun rappelle dans son ouvrage Al Muqadimma (Discours sur l’Histoire universelle) que Muhammad était annoncé par la Tora et l’Evangile (injil). Il ne peut donc s’agir que de l’annonce d’un nouveau Moïse.

Moïse est sans aucun doute possible le principal personnage du Coran par le nombre de citations (de 400 à 600 selon que l’on compte ou non les allusions). Muhammad n’est cité que quatre fois dans le Coran et, dans ces quatre occurrences, rien ne nous est dit sur lui. Seule la tradition orale nous fournit des informations sur le Muhammad historique. Or cette tradition laisse apparaître une certaine continuité avec le midrash juif relatif à la saga de Moïse. Le Muhammad des Hadith serait le nouveau Moïse promis par les Prophètes.
Comme Moïse, Muhammad doit fuir loin de ses ennemis. Les deux héros trouvent une aide inespérée auprès de leur beau-père respectif. Jethro sauve la vie de son gendre Moïse (Ex 18,14-26). Moïse garde ensuite les troupeaux (baqar) de Jéthro et devient en quelque sorte associé à ses affaires. Muhammad a pour beau-père Abu-Baqar dont il épouse la fille Aïsha. Bien entendu, comme un Prophète ne saurait épouser la fille du premier idolâtre venu, Abu-Baqr deviendra le premier prosélyte. Jéthro de même était Prêtre idolâtre de Madian, mais le midrash juif en fait le premier prosélyte: c’est un Juste. Aisha est aussi une juste, elle est connue sous le nom de Aisha Siddiqa.

• Madian, Modîn, Medina, Médine .

Moïse se réfugie à Madian, patrie de son beau-père Jéthro. Muhammad se réfugie à Yathrib, patrie (medina) de Yetro; cette ville, curieusement, deviendra ensuite Médine. La fuite de Moïse lui est bénéfique, son beau-père Jéthro lui prodiguera en effet de sages conseils. De même, la fuite de Muhammad ouvre la voie à une série de victoires. On objectera que Jéthro n’est qu’un personnage secondaire dans l’Islam. C’est oublier qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Jéthro joue par exemple un rôle de premier plan dans la religion Druze. Les adeptes de cette dissidence de l’Islam, se disent volontiers descendants de ce prophète et sa tombe est aujourd’hui encore un lieu de pélerinage. Pourquoi une dissidence de l’Islam aurait-elle élu un personnage insignifiant ?

Jéthro (shu’ayb dans le Coran) est aussi abu madian,
dénomination qui a donné le nom très commun de Boumedienne.

 On retrouve dans l’élaboration sur Jéthro l’idée de se réfugier auprès de parents éloignés, fils d’Abraham. Le fait d’épouser la fille de l’hôte païen est normalement proscrit. Si ce mariage peut avoir lieu, c’est donc que le païen s’est converti. L’alliance va de pair avec la conversion. C’est au cours de l’épisode Jéthro que Dieu se révèle à Moïse dans le buisson ardent et l’envoie en mission pour délivrer le peuple d’Israël. C’est la période où Moïse est associé au mont Horeb, pas encore au Sinaï. La racine de Horeb est très présente dans le Coran (Harb) parce qu’elle était déjà très liée à Moïse. Un texte Juif se nomme Harba de Moshé (l’épée de Moïse). 

Moïse a mené une guerre sainte contre Madian. Le Prophète de l’Islam sera donc comme lui un chef de guerre lié à Médine.
Le Midrash juif identifie les Ismaëlites aux Qenites, descendants de Caïn, frère jaloux et meurtrier d’Abel. D’un autre côté, les Qénites furent parfois bienveillants envers Israël (le clan de Hobab coopèrera à la conquête de Canaan (Jg 1, 16)).
Miriam, la sœur de Moïse, reproche à ce dernier, en Nb 12, 1 d’avoir épousé une femme koushite (éthiopienne). Flavius Josèphe rapporte un midrash peu connu sur ce premier mariage de Moïse avec une Koushite.
Alors qu’une armée Koushite menaçait le delta, « les Egyptiens, se trouvant trop faibles pour soutenir un si grand effort, envoyèrent consulter l’oracle ; et par un ordre secret de Dieu la réponse qu’ils reçurent fut qu’il n’y avait qu’un Hébreu de qui ils pussent attendre du secours. Le roi comprit que Moïse était celui que le ciel destinait pour sauver l’Egypte, et il le demanda à sa fille pour le faire général de son armée. Tandis que Moïse assiégeait la cité de Saba, capitale du pays de Koush, Tharbis, fille du roi de Koush, l’ayant vu de dessus les murailles faire, dans une attaque, des actions toutes extraordinaires de courage et de conduite, entra dans une telle admiration de sa valeur, qui avait relevé la fortune de l’Egypte et fait trembler Koush auparavant victorieux, qu’elle sentit que son cœur était blessé de son amour ; et sa passion croissant toujours, elle envoya lui offrir de l’épouser. Il accepta cet honneur à condition qu’elle lui remettrait la place entre les mains, confirma sa promesse par un serment, et après que ce traité eut été exécuté de bonne foi de part et d’autre et qu’il eut rendu grâce à Dieu de tant de faveurs qu’il lui avait faites, il ramena les Egyptiens victorieux en leur pays. » (Histoire ancienne des Juifs II, 5)
Cette légende attribue donc à Moïse des qualités de général d’armée et le relie à une bataille contre les Ethiopiens ou les Abyssins.

Flavius Josèphe présente la fuite de Moïse en pays de Madian comme un fait politique : « Les Egyptiens craignant que la gloire qu’il avait acquise (par sa victoire sur les Koushites) ne lui fit entreprendre de se rendre maître de l’Egypte, conseillèrent au roi de le faire mourir, et ce prince prêta l’oreille à ce discours, parce qu’il était jaloux de la grande réputation de Moïse et qu’il commençait à craindre qu’il ne s’élevât au-dessus de lui, opinion dans laquelle il était fortifié par ses prêtres qui, pour l’animer encore davantage, lui représentaient sans cesse le péril où il se trouvait. Ainsi il consentit à la mort de Moïse, et elle lui était inévitable s’il n’eût découvert son dessein et ne se fût retiré à l’heure même » (Antiquités Juives II, 5)
De son côté, Philon d’Alexandrie imagine les courtisans mettant en garde le roi : « Moïse va attaquer ; il n’a aucune retenue, il a sans cesse quelque idée nouvelle en tête, il désire le trône avant l’heure, il flatte d’un côté, il menace de l’autre, il tue sans jugement, il abat ceux qui te sont plus particulièrement dévoués. Qu’attends-tu donc ? Ne vas-tu pas arrêter net les projets qu’il a en tête ? Les agresseurs tirent grand profit des hésitations de leurs victimes. » (De vita Mosis 1, 46).
Moïse est donc présenté ici aussi comme un chef de guerre. Cette image de chef de guerre n’est pas l’image qui a subsisté de manière prépondérante dans le midrash juif. En revanche, elle a été très développée à un moment donné dans ce midrash et a pu à ce titre être reprise par la tradition islamique.

• Thème de la fuite.

Moïse avait dû fuir après avoir tué un Egyptien. Curieusement, lorsque, dans le livre des Maccabées, Mattatias refait le geste de Moïse et qu’il tue un Juif qui sacrifiait aux idôles, il s’enfuit lui aussi à Modin, ville qui sonne comme Madian et Médine.
En ces jours-là, Mattathias, fils de Jean, fils de Syméon, prêtre de la lignée de Ioarib, quitta Jérusalem pour s’établir à Modîn (1M 2,1)
C’est la ville de ses pères. Les Hasmonéens y construisent un tombeau (qbr).

• Le berger fidèle.

Moïse est appelé le berger fidèle (hébreu: neeman). Son nom a la même valeur que emuna (39). Or, la Tradition musulmane nous apprend que Muhammad est appelé Amin. Comme Moïse, il est confié par sa mère, Amina, dès son jeune âge à une nourrice du nom de Halima. Durant son séjour chez cette nourrice, le clan qui accueillit l’enfant, fut surpris de constater le retour de la prospérité quant à son bétail et ses cultures, un peu à la manière dont les Egyptiens avaient été sauvés de la famine par Joseph.

• Autres points communs entre Muhammad et Moïse.

Dans la tradition islamique, on ne peut représenter le Prophète Muhammad. Pourtant dans de nombreuses enluminures le visage du Prophète est représenté mais voilé. Or Moïse est aussi voilé:
les Israélites voyaient le visage de Moïse rayonner. Puis Moïse remettait le voile sur son visage, jusqu’à ce qu’il entrât pour parler avec lui (Ex 34,35)
Le Zohar rapporte aussi que Moïse rayonnait et devait se couvrir d’un voile. A cause sans doute de ces rayons qui émanaient de son visage, Moïse serait selon nous le personnage nommé par le Coran Dhul Qarnayn (deux cornes).

• Le second Moïse devait abroger ou alléger la loi. C’est pourquoi dans le Coran, Muhammad le nouveau Moïse peut abroger certains versets relatifs aux interdictions alimentaires, par exemple.

• Daniel (Dn 10, 11) est sujet à des visions et il est nommé ish Hamudot : homme des prédilections, de même en 3 Baruch 1, 3 le sujet des visions se voit interpellé: comprends ô homme des prédilections. Il semble donc commun dans les textes tardifs que le sujet qui a des visions soit appelé d’un nom de la racine de Hamad qui possède la valence messianique. Reste à vérifier si Moïse n’a pas reçu un qualificatif de ce type .

• La grotte.

Il semble qu’une sorte de fil rouge permanent nous conduise de Moïse à Muhammad, via le livre des Maccabées. Dans ce livre, Jérémie cache les objets du Temple dans une grotte qui devra rester cachée jusqu’à l’avènement du nouveau Moïse promis par la Bible.

Arrivé là, Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l’arche, l’autel des parfums, puis il en obstrua l’entrée. Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver. Ce qu’apprenant, Jérémie leur fit des reproches : Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu’à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. (2M 2,5)
La geste maccabéenne s’inscrit dans le prolongement de celle de Moïse et dans l’attente de la venue d’un second Moïse :
les Juifs et les prêtres avaient jugé bon que Simon fût higoumène et grand prêtre pour toujours jusqu’à ce que paraisse le prophète fidèle (1M 14, 41)
La grotte dans laquelle le Prophète de l’Islam recevra la révélation serait donc une élaboration issue du second livre des Maccabées