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Tentative d’explication du midrash

  Tentative d’explication du midrash

Regardez bien ce tableau. Il donne à voir une juxtaposition de scènes sans aucune cohérence entre elles. Par exemple que signifient ces pièces de monnaie sur le toit ? Pourquoi cet homme se cogne-t-il la tête contre un mur ? Est-on dans un asile de fous ? Est-ce un rêve ? Une fête ?

 

 Si maintenant nous prenons une scène particulière, nous ne sommes pas plus avancés.

On voit dans ce détail un homme penché sur une table, les bras tendus vers deux pains. Si l’on ne dispose pas d’une clé de lecture, quelle qu’elle soit, cette scène restera incompréhensible. 
Le spectateur est dès lors livré à l’arbitraire de l’interprétation : peut-être est-ce une scène imaginée par le peintre, peut-être s’agit-il d’une scène vue par le peintre, donc d’un fait réel ? Peut-être aussi ce détail n’a-t-il aucun sens ? etc.
Si en revanche vous apprenez qu’il s’agit du tableau de Breughel intitulé les Proverbes Flamands, la scène retrouve son sens : il s’agit de la figuration d’un proverbe : l’homme a du mal à arriver d’un pain à l’autre (il n’arrive pas à joindre les deux bouts).
Du coup, les scènes adjacentes trouvent aussi leur sens. On ne cherche pas, par exemple, à les rapprocher entre elles. On comprend que chaque scène est autonome et figure un proverbe différent.

Il en est de même pour le texte midrashique. Le midrash se présente à nous comme un texte décousu, car nous n’avons pas la clé de lecture. À la place de ce tableau, imaginons que nous nous trouvions devant des textes étranges. Nous cherchons instinctivement à identifier la nature de ces textes. Nous pouvons errer longtemps avant de savoir si ce sont des inventions romanesques, ou au contraire des récits historiques, ou encore des récits déformés…
Si en revanche nous parvenons à identifier ces textes comme relevant du genre littéraire nommé midrash, alors ces textes prennent tout leur sens. On comprend par exemple que lorsque le midrash parle d’animaux, il ne s’agit pas d’animaux mais de païens, que mort signifie idolâtrie, etc.

On peut appliquer ce raisonnement aux Evangiles. Sont-ils des textes historiques ? des inventions romanesques, des textes déformés? On peut passer des années à tourner en rond. Si nous identifions en revanche ces textes commes midrashiques, nous ne perdons plus de temps à expliquer les répétitions ou les discordances, à tenter d’expliquer la succession des séquences. Le lecteur actuel des Evangiles serait un peu comme un visiteur de musée sans catalogue, il tente de comprendre le tableau de Breughel sans savoir qu’il s’agit de proverbes. Il passe donc son temps à se demander ce que font ces pièces d’argent sur le toit, tout comme il se demandait pourquoi les grabataires évangéliques passaient par les toits. Il se demande pourquoi cet homme se cogne la tête contre le mur, sans penser un instant que justement la scène ne renvoie à rien d’autre qu’à l’expression proverbiale « se taper la tête contre les murs » etc. Il risque simplement de passer son chemin en se disant que tout cela n’a pas de sens.

Dans ce parallèle entre peinture et midrash, il y a un léger hiatus. En peinture, chaque spectateur peut facilement se reporter à un catalogue d’exposition pour apprendre que ce tableau se nomme « les proverbes flamands ». Cette information est certes externe au tableau, mais elle reste accessible. Pour ce qui est du midrash, les choses sont plus difficiles car le midrash reste un genre confidentiel et n’est même pratiquement pas traduit en français. On n’a donc pas fini de se taper la tête contre les murs.