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Le problème de Flavius Josèphe

 Le problème de Flavius Josèphe

Flavius Josèphe a donné son nom à une conjecture mathématique. Ce problème est décrit au paragraphe VIII, 7 du troisième livre de la Guerre des Juifs. En l’an 67, l’historien et quarante de ses compatriotes auraient été cernés par les Romains dans une grotte de la ville de Jotapata. Ils auraient décidé de ne pas se rendre et de se suicider, chacun tuant son voisin. 

Flavius Josèphe demanda que ce suicide collectif se déroule selon une méthode qui n’est pas précisée, mais qui aboutit à ce que l’historien survive, sans quoi nous ne serions même pas au courant de ce problème. 

D’innombrables mathématiciens ont tenté de retrouver l’algorithme ou la méthode de Flavius. Il existe, à mon avis, deux solutions à cette énigme, l’une est mathématique et vous la trouverez facilement sur Internet. La seconde vous est proposée à la fin du présent article.

• Sortir de l’eschatologie

En étudiant, dans les textes midrashiques, la formation de pensée appelée eschatologie, nous rencontrons des objets que l’on peut appeler des opérateurs car tout se passe comme s’ils agissaient dans ce champ de forces qu’est l’eschatologie. Ces opérateurs sont par exemple l’indistinction, l’inversion, l’indifférenciation, le comble, l’épreuve.
Quelques lecteurs se sont étonnés de ce que des notions aussi simples soient des agents d’une formation aussi complexe que l’eschatologie. Ces notions, pourtant ne sont pas préconçues, elles s’imposent à toute personne qui étudie ou traduit le midrash. Et nous les retrouvons à l’œuvre dans l’histoire, y compris l’histoire récente.

Nous examinons ici un exemple de la pertinence de ces notions. Il s’agit de la montée du fondamentalisme et même d’un certain millénarisme dans le monde arabo-musulman. Or ce fondamentalisme n’a pas toujours été aussi intense. Comme on pouvait le prévoir, les périodes de paix et de prospérité de l’Islam sont marquées par un recul de l’eschatologie au profit de la pensée rationnelle et scientifique.
En revanche, les périodes de guerres, de troubles, d’humiliation vont spontanément réveiller les énergies eschatologiques. En effet, l’Islam dispose dans son fonds d’un contenu millénariste hérité du judéo-christianisme. Le monde arabo-musulman a découvert avec stupéfaction qu’il pouvait être mis en infériorité et même décliner lorsqu’il était confronté à la mondialisation et au colonialisme.
Contrairement à ce que pensent de nombreux contemporains, la mondialisation n’a pas commencé avec José Bové. Pour l’Islam, elle commence à la Renaissance, moment où l’Occident prend un ascendant déterminant sur les autres aires culturelles de l’humanité et se projette hors des limites de l’Europe.
N’ayant connu que l’expansion victorieuse (en dehors de la parenthèse des invasions mongoles) l’Islam n’a expérimenté le contact avec “ l’autre ” non-musulman que sous le rapport de la supériorité. L’Islam, lorsqu’il domine, peut alors se payer le luxe de la générosité, d’une certaine tolérance et même d’une certaine modestie. Après tout, si Dieu a favorisé l’Islam, le musulman se doit de mériter cette faveur insigne. En revanche, expérimenter la situation inverse, être subjugué par des Empires non-musulmans, voilà qui est de nature à réveiller les vieux schémas eschatologiques.
Le colonialisme a été une première cause du traumatisme subi par le monde arabo-musulman. Or, comment a réagi l’Islam ? Par une résurgence de l’eschatologie.
Au Soudan, par exemple, la révolte anticoloniale est guidée par un Mahdi, le Messie de la tradition islamique appelé à faire régner, à la fin des temps, le bien et la paix. Le Mahdi doit en effet apparaître à la fin des temps. Il vient rétablir les choses dans leur ordre antérieur. Le lien entre le colonialisme et l’eschatologie n’est pas une construction de l’esprit, c’est un constat de l’histoire.

Le monde arabo-musulman a été traumatisé par trois vagues successives qui constituent pour lui trois épreuves majeures : la mondialisation (en réalité l’occidentalisation du monde) qui date de la Renaissance, le colonialisme et le Sionisme. Le Sionisme n’est pas lié au colonialisme. Le mouvement sabbataïste du XVIIe siècle était déjà un mouvement sioniste, et il est difficile de parler de colonialisme vers 1650. En revanche, historiquement, le sionisme accentue la mondialisation, puisqu’il introduit l’occidentalisation à demeure, au cœur du monde arabo-musulman. Du point de vue arabo-musulman, le Sionisme a aggravé les effets de la mondialisation et de la colonisation. Le Sionisme introduit aussi un effet miroir: pour une partie des Juifs: le sionisme est un mouvement messianiste victorieux. Il accroît donc les sentiments d’inversion et de comble et, par mimétisme inversé, il exacerbe les attentes eschatologiques des musulmans.

Nous trouvons une confirmation de ce qui précède dans un document qui semble à première vue étranger à la théologie. Il s’agit de la charte du Hamas.

L’article 9 de cette charte illustre bien les éléments d’eschatologie qui gisent au fond de l’islamisme radical : On y retrouve les catégories d’inversion, de dérèglement, de perte de repères dont nous venons de parler.

Le Hamas s’est créé à un moment où l’islam avait disparu de la réalité de la vie : tous les critères de jugement avaient alors été déréglés, les concepts avaient été mis sens dessus dessous, les valeurs avaient été changées, les méchants avaient pris le pouvoir, l’injustice régnait ainsi que l’iniquité, les lâches faisaient les matamores, les patries avaient été usurpées, les peuples avaient été éparpillés errant sur la terre entière, l’Etat de la Vérité avait disparu et l’Etat du Mensonge avait été instauré; rien ne demeurait à sa place. C’est ainsi : lorsque l’islam disparaît, tout est altéré. Tels sont les mobiles [de la création du mouvement].

Il y a dans le Coran, l’idée qu’à la fin des temps, le Coran lui-même disparaîtra du monde. C’est cette idée qui est illustrée dans les textes fondamentaux de l’islam radical. C’est l’idée que le comble est l’indice de la proximité du Salut. Il existerait donc un moment, prévu par les textes divins, où tout sera à l’envers. Paradoxalement, c’est le moment du salut. Mais il existe une variante : au lieu d’attendre passivement le messie salvateur, le fidèle se doit d’être l’assistant de Dieu et entreprendre le jihad pour rétablir les choses dans leur état de perfection antérieure.

Quant à ses objectifs : Combattre le Mensonge, le défaire et le détruire pour que règne la Vérité, que les patries soient restituées, que l’appel à la prière annonçant l’établissement de l’Etat de l’islam soit lancé du haut de leurs mosquées, que les gens rentrent chez eux et que toute chose retrouve sa juste place !

Pour le Hamas, l’origine et la fin sont absolus. Le monde a commencé avec l’instauration de l’Islam et finira au jour de la résurrection. Tout ce qu’a conquis l’Islam est inaliénable (le reste du monde est négociable). Ainsi par exemple l’Espagne actuelle appartient aux générations islamiques de tous les temps, tout au plus les espagnols actuels en ont-ils l’usufruit.

Le Mouvement de la Résistance Islamique considère que la terre de Palestine est une terre islamique waqf [de mainmorte] pour toutes les générations de musulmans jusqu’au jour de la résurrection. Il est illicite d’y renoncer en tout ou en partie, de s’en séparer en tout ou en partie : aucun Etat arabe n’en a le droit, ni même tous les Etats arabes réunis; aucun roi ni président n’en a le droit, ni même tous les rois et présidents réunis; aucune organisation n’en a le droit, ni même toutes les organisations réunies, qu’elles soient palestiniennes ou arabes. La Palestine, en effet, est une terre islamique waqf pour toutes les générations de musulmans jusqu’au jour de la résurrection et qui donc pourrait prétendre jouir de la pleine délégation de pouvoir de toutes les générations islamiques jusqu’au jour de la résurrection ?

Le droit international n’a aucune existence. Les conférences internationales ne sont qu’une des formes de l’arbitrage des infidèles sur la terre des musulmans .

La Palestine est une terre islamique : elle a été la première des deux qibla et c’est le troisième Lieu-saint, point de départ de l’ascension nocturne de l’Apôtre de Dieu -que Dieu lui donne bénédiction et paix, « Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son serviteur de la Mosquée sacrée à la Mosquée très éloignée dont nous avons béni l’enceinte, et ceci pour lui montrer certains de nos Signes. -Dieu est celui qui entend et qui voit parfaitement » (17, 1).

• Une question décisive.

Les textes du coran incréé sont la parole infaillible de Dieu, et ces textes disposent que les Juifs, ayant abandonné Dieu, ont été réprouvés par lui. Dieu a promis le salut aux Musulmans. Comment un peuple réprouvé par Dieu (Israël) peut-il en arriver à résister victorieusement à l’Islam ?
A cette question, le monde arabe a échoué à apporter des réponses rationnelles, il n’a pu y apporter que des réponses de nature eschatologique. Du point de vue de l’eschatologie la réponse est la suivante: il s’agit d’une nouvelle épreuve, d’un nouveau défi porté contre Dieu. Dans ce cas, puisqu’il semble réussir, c’est que le défi est de taille, il s’agit donc de la révolte ultime contre Dieu, de la révolte absolue de la fin des temps. Cette révolte doit donc prendre la forme d’un complot mondial contre Dieu. D’où la mobilisation des nombreux exaltés, d’autant plus prêts à sacrifier leur vie, que la fin des temps approche.
Cette réponse explique aussi la théorie du complot en faveur dans les milieux fondamentalistes musulmans: les Juifs organisent forcément un complot mondial contre Dieu et l’Islam
Mais il existe aussi une autre réponse possible, théorique, à cette question. C’est celle-ci : Dieu a été vaincu.
Cette logique terrifiante et paradoxale relève aussi de l’eschatologie. En effet, si le peuple juif, réprouvé par Dieu dans le Coran, parvient à subjuguer l’Islam, c’est que Dieu lui-même a été vaincu. Cette idée proche de certaines Gnoses n’est peut être pas seulement théorique. Elle est non seulement prévisible, au vu de ce que nous savons de la logique de l’eschatologie, mais elle peut se réaliser effectivement.
Selon le quotidien algérien « Le Matin », dans les montagnes proches de Blida, un mouvement connu sous le nom des « Révoltés contre Dieu » (el ghadiboun ‘ala Allah) et qui aurait scissionné du GIA, pourrait bien avoir expérimenté cette voie. Ses membres se feraient couper l’index de la main droite. Cette amputation leur interdit donc d’affirmer l’unicité divine. Ils se rasent aussi les cils et les sourcils, ce que la tradition islamique interdit. Selon le quotidien, « ils en veulent à Dieu, qui les a abandonnés » et prendraient particulièrement pour cible les femmes afin d’empêcher « la naissance de nouveaux musulmans ». Selon une rumeur persistante, reprise par la presse locale, ce groupe serait responsables de massacres de populations civiles.
A l’évidence, ce terme ghadiboun contraste ironiquement avec le terme ghaliboun qui signifie vainqueurs: il introduit un élément de dérision. On se moque du texte sacré qui promettait la victoire aux Musulmans:

wa inna djoundana lahoumou-l-ghaliboun
c’est notre armée qui sera certainement victorieuse
(37, 174)

Cette évolution nihiliste était prévisible. Elle est cohérente avec les lois de la pensée eschatologique. Cette évolution était préparée, si l’on peut dire, par des élaborations telles que celle du takfir: l’apostasie générale. Un petit groupe extrémiste nommé Hijra wa takfir a déclaré par exemple toute la société algérienne coupable d’apostasie du simple fait de son acceptation de la démocratie « occidentale » et développe l’idée d’un nouvel exil (hijra) des « vrais musulmans ». Ceux connus sous le nom d’Afghans y jouent un rôle important.

• La philosophie de l’histoire du Hamas.

Revenons au Hamas et à sa vision de l’histoire. Contrairement à l’hérésie que nous venons de décrire, cette vision de l’histoire est plutôt marquée par l’idée du complot contre Dieu.

Depuis longtemps déjà ….les ennemis ont dressé des plans … Ils ont travaillé à rassembler des fortunes matérielles considérables et dont l’influence est grande, qu’ils ont affectées à la réalisation de leur rêve. Grâce à l’argent, ils règnent sur les médias mondiaux, les agences d’informations, la presse, les maisons d’édition, les radios, etc. Grâce à l’argent, ils ont fait éclater des révolutions dans différentes régions du monde pour réaliser leurs intérêts et les faire fructifier. Ce sont eux qui étaient derrière la révolution française, la révolution communiste et la plupart des révolutions dont nous avons entendu et entendons parler de-ci de-là. Grâce à l’argent, ils ont créé des organisations secrètes qui étendent leur présence dans toutes les parties du monde pour détruire les sociétés et réaliser les intérêts du sionisme, comme la franc-maçonnerie, les clubs Rotary et Lyons, le B’nai B’rith [Abnâ’ al-‘Ahd], etc. Ce sont toutes des organisations qui se livrent à l’espionnage et au sabotage. Grâce à l’argent, ils sont parvenus à prendre le contrôle des Etats colonialistes et ce sont eux qui les ont poussés à coloniser de nombreuses régions pour en exploiter les richesses et y répandre leur corruption. ce sont eux qui étaient derrière la première guerre mondiale lorsqu’a été prononcée la condamnation de l’Etat du califat islamique. Ils ont obtenu la déclaration Balfour et ont jeté les bases de la Société-des-Nations pour gouverner le monde à travers cette organisation. Ce sont eux qui étaient derrière la seconde guerre mondiale qui leur a permis d’amasser d’énormes profits grâce au commerce du matériel de guerre. Ils ont préparé le terrain pour l’établissement de leur Etat et ce sont à leurs instigations qu’ont été créés l’ONU et le Conseil de sécurité pour remplacer la Société-des-Nations afin de gouverner le monde à travers eux.

Il y a donc un complot mondial qui prouve l’imminence du combat eschatologique final. Certes, les textes fondamentalistes font mine de prôner la coexistence des trois religions

Depuis toujours, notre société célèbre le pluralisme, en entretenant vivantes l’histoire unique et les traditions de la Terre Sainte. En reconnaissant les traditions judéo-chrétiennes, les musulmans aspirent noblement et trouvent les plus grands encouragements et motivations dans la préservation de la Terre Sainte pour les trois religions abrahamiques, sur un pied d’égalité. De plus, une gouvernance honnête exige que la nation palestinienne soit représentée dans un environnement pluraliste. Une nouvelle génération d’édiles islamiques est prête à mettre en pratique des principes fondés sur la foi, dans un contexte de tolérance et d’unité.

Mais lorsqu’on regarde les choses de plus près, il s’agit toujours d’un retour aux temps parfaits où l’Islam triomphait et où Juifs et Chrétiens étaient des Dhimmis.

Nous déploierons des efforts en toute bonne foi afin d’effacer l’amertume que l’occupation israélienne a réussi à générer, en s’aliénant une génération entière de Palestiniens. Nous exhortons les Israéliens à ne pas condamner la postérité à un bain de sang interminable et à un conflit dans lequel toute supériorité ne saurait qu’ être illusoire. Vienne le jour où nous vivrons ensemble, côte à côte, comme avant ! (Moussa abu marzook, cité par le réseau Voltaire)
La charte du Hamas est au moins claire sur un point : Israël, par sa judéité et ses Juifs, constitue un défi pour l’islam et les musulmans

• Paradoxe du sionisme.

Le sionisme ou retour à Sion suppose l’idée de la fin de l’exil. Mais de quel exil ? En effet, l’exil est à la fois une réalité de l’histoire mais il est aussi devenu un concept de l’eschatologie.
On pourrait imaginer un mouvement d’idées qui se situerait uniquement dans le cadre de l’eschatologie et qui élaborerait une fin de l’exil. En un sens le christianisme a été un mouvement de ce type.
Le Sionisme, lui, a voulu agir sur l’exil historique. Il s’est donc voulu une laïcisation de l’eschatologie juive. Mais son énergie, le sionisme la tire de l’eschatologie. Si l’Argentine n’a pas séduit Herzel, si l’Ouganda ou le Birobidjan n’ont pas eu de succès c’est que ces contrées n’emportaient pas de charge eschatologique. Comme l’écrit Freud: « Il me semble qu’il aurait été plus raisonnable de créer un foyer juif dans une terre moins chargée de significations historiques. Mais je me rends compte qu’une attitude aussi rationnelle n’aurait jamais réussi à soulever l’enthousiasme des masses ni à obtenir le concours financier des riches ». Le sionisme, même s’il est laïc, s’appuie sur une conception quasi mystique d’Eretz Israël. Il est inséparable, dans sa genèse, de l’attachement physique et spirituel qui lie les juifs à la terre d’Israël. Pour certains courants de l’eschatologie juive, l’altération des rapports du peuple juif à sa terre est le signe d’une altération de ses rapports avec Dieu. Le retour des juifs sur la terre d’Israël, pour la travailler, revient donc à réparer une relation à Dieu abîmée par l’exil. A la fin du XIXème siècle, la terre d’Israël incarna ainsi, tout à la fois, la rédemption morale et la renaissance physique.
Le sionisme, mouvement laïc, qui entend réaliser l’eschatologie (et donc y mettre fin), va pourtant susciter, sans le vouloir, une recrudescence de l’eschatologie dans le monde musulman et même au sein de certains courants du protestantisme. Le sionisme a d’abord suscité une intensification du courant fondamentaliste juif. Messianisme militant de la droite juive, légitimations bibliques pour l’établissement d’un Grand Israël du Nil à l’Euphrate, débat sur une théocratie israélienne, mouvement radical des colons, et leur menace de faire venir le messie par des bombes, relations du parti Likoud avec le messianisme militant. Mais le Sionisme a aussi réveillé les schémas eschatologiques au sein de certains groupes évangélistes, qui y voient un signe de la proximité de la fin des temps.
Nous assistons donc à un phénomène mimétique. L’eschatologie juive réanime sans le vouloir l’eschatologie islamique. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, un grand rabbin de Palestine déclare devant une commission internationale : « C’est notre forte conviction que personne, ni individu, ni pouvoir institué, n’a le droit d’altérer le statut de la Palestine qui a été établi par droit divin »Le Hamas lui répond: Le Mouvement de la Résistance Islamique considère que la terre de Palestine est une terre islamique waqf [de mainmorte] pour toutes les générations de musulmans jusqu’au jour de la résurrection.

 

• Sortir (vite) de l’eschatologie .

Nous ne savons pas comment évoluera la situation au Moyen-Orient. Une nouvelle guerre de cent ans est une impasse, mais la négociation semble presque impossible. On pouvait déjà difficilement négocier avec un interlocuteur qui se sentait sous le regard sourcilleux de toute la Umma, ce qui était le cas d’Arafat, mais comment faire s’il se situe sous le regard direct de Dieu ? Comment faire des concessions sur le retour des réfugiès quant on s’est interdit dans sa Charte de renoncer au moindre pouce de la Palestine entière.
Ce que nous savons, c’est que l’Etat d’Israël ne devra sa survie qu’à sa capacité à rester en dehors du cercle de l’eschatologie. On le voit bien avec le cas iranien ou celui du Hezbollah. Une pensée politique contaminée par l’eschatologie ne mène qu’au déni de la réalité, à la folie et, en définitive, au suicide. La moitié des Libanais et une partie de la « rue arabe » croit réellement que le Hezbollah a gagné la guerre, alors que le Liban est en ruine et que Nasrallah se terre dans son bunker. Pendant ce temps Israël affichait une transparence totale et acceptait le jeu démocratique des commissions d’enquêtes. En gardant le cap de la démocratie et du droit, Israël pourrait bien forcer le monde arabe à renoncer à l’eschatologie et lui éviter le suicide collectif que constituerait pour lui la victoire du fondamentalisme. Israël s’est doté des outils démocratiques qui en principe devraient lui permettre de tenir cette promesse que l’Etat a faite à son peuple : plus jamais de Massada. Il doit maintenant aller plus loin : éviter un Massada aux Palestiniens.
Toute la question est de savoir comment y parvenir: une attitude conciliante sera-t-elle comprise comme une faiblesse et interprétée comme un signal pour aller plus loin dans la montée aux extrêmes ? Sera-t-elle à l’inverse un signal incitant à revenir au réalisme ? De même, une attitude intransigeante est-elle de nature à encourager le fondamentalisme ou au contraire à le faire reculer ?

• Retour à Flavius

Le texte dans lequel Flavius nous rapporte l’épisode de Jotapata aurait un double sens. On pouvait s’en douter: l’époque n’était pas aux récréations mathématiques et le souçi de Flavius n’est pas d’écrire un texte de mathématiques amusantes. Le sens du texte de Flavius serait de nous montrer qu’il faut faire un intense effort de rationalité pour échapper au suicide collectif. Le fait qu’il ait fallu presque 2000 ans pour le comprendre n’est pas très rassurant.